Dreams : l’histoire d’un jeu “kidnappé” par sa communauté

Dreams : l’histoire d’un jeu “kidnappé” par sa communauté

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Par Pierre Bazin

Publié le

Nous avons parlé avec The Toxic Avenger et un designer français de ce jeu aussi intriguant qu'infini.

Qui ne se souvient pas de Little Big Planet, sorti il y a douze ans déjà ? Le premier projet du studio britannique Media Molecule a rencontré un succès inattendu sur la PlayStation 3. Difficile de se douter à l’époque que sa devise “Play, Create and Share” (“Jouez, créez et partagez”) allait marquer le point de départ d’une nouvelle ère de jeu “bac à sable” ou “sandbox”.

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Dreams est le nouveau projet de Media Molecule dont le développement aurait commencé dès 2012. Après plus d’un an en early access (limité à un certain nombre de joueurs), le titre est enfin disponible sur PlayStation 4 pour la planète entière. Les studios Media Molecule n’ont pas changé l’ADN de leur jeu : Dreams se rêve en version ultime de la création et du partage de niveaux.

Jeux de course, plateformer, niveaux musicaux, tableaux numériques interactifs, simulateur, action-aventure, tout est possible si vous maniez correctement les outils de création proposés par Dreams. À l’occasion de l’exposition interactive Dreams qui s’est tenue la semaine dernière à Paris, nous avons pu rencontrer des Français qui ont participé à cette aventure.

Des fans développeurs et des développeurs fans de leurs fans

Cette année d’early-access a été décisive pour Media Molecule afin d’avoir des retours pertinents des premiers joueurs et joueuses. La communauté des “dreamers” et surtout leur avis sont essentiels pour le studio. Ce sont eux qui construiront l’avenir du jeu qui compte être mis à jour très régulièrement – “sur 10 ans !” nous souffle un développeur. L’avis de leurs fans compte tellement, que certains ont même fini par rejoindre leur équipe.

Christophe Villedieu, tourangeau d’origine, est designer chez Media Molecule. Cet ancien directeur artistique pub a tout plaqué lorsque Media Molecule l’a contacté pour lui proposer un poste. La raison ? Christophe avait développé un incroyable niveau de flipper sur Little Big Planet.

“Ce qui leur a plu [à Media Molecule], c’est qu’ils ont construit “Little Big Planet”, un outil avec des limites et moi, j’ai pété leurs limites. Ce qui m’intéressait c’était d’aller plus loin que ce qui est existant. Ils m’ont embauché pour ça, pour voir comment explorer, quitte à “tout péter”, mais dans le bon sens du terme.”

Il nous raconte le quotidien du studio et notamment la présence d’une grande télé qui permet de vérifier en temps réel les nouveaux ajouts de niveaux par les dreamers du monde entier.

Les fans se sont littéralement emparés de Dreams, et bien que ce soit le but premier du jeu, l’équipe de Media Molecule a été complètement subjuguée par la qualité de créations des fans, dès les premiers instants de l’early-access.

“Nous sur les premiers jours [de l’early-access, N.D.L.R.], on s’attendait à voir un pot de fleurs, un vase, un dragon moche… des tests, quoi ! Sauf qu’à la fin de la première on avait déjà une chanson complète qui avait carrément de la gueule, un jeu complet absolument génial. Un mec s’était chauffé à refaire tout l’écran-titre de “Dragon Age” !

La communauté a été très rapidement au rendez-vous lorsqu’elle a enfin pu accéder aux outils de créations. Elle a littéralement kidnappé les fonctionnalités et surpassé toutes les attentes des développeurs.

Mais d’où ? Oh les cons !” nous rejoue Christophe Villedieu pour expliquer la surprise quand lui et son équipe ont découvert les premiers niveaux des dreamers. “Tous les matins, t’avais 7 ou 8 personnes devant la télé qui se creusaient la tête pour comprendre comment ils avaient fait tout ça…”

“On avait de véritables chefs-d’œuvre ! […] Cette année a déjà été incroyable on a découvert de superbes artistes musicaux, des talents graphiques, etc. […] et puis à côté de ça tu as GreenGuy, un ado de moins de 15 ans qui utilise Dreams pour communiquer via ses niveaux et faire son autothérapie. On a la chair de poule quand on y joue.”

Media Molecule avait-il déjà réussi à fédérer son ancienne audience de Little Big Planet ? Pas que, nous explique Christophe :

“On savait que les fans de la première heure étaient là mais ceux qui nous ont surpris venaient d’ailleurs : de la musique, par exemple. Certains n’avaient que très peu joué aux jeux vidéo !”

The Toxic Avenger et son “co-dreamer”

La musique, Simon Delacroix (alias The Toxic Avenger) la connaît bien, y compris dans les jeux vidéo. Celui qui a composé la bande-son de Furi (2018) a ainsi fait la rencontre de son dreamer attitré Guillaume (alias “SlurmMackenzie”). Les deux hommes ont été réunis par Sony à l’occasion de l’exposition interactive Dreams qui s’est tenue à Paris.

Ils nous expliquent comment ils ont été amenés à créer un niveau de Dreams en pure collaboration. L’un s’occupe du côté artistique et musical, l’autre de construire le niveau dans Dreams.

“L’idée de base, c’était de créer une boîte à rythme en gros. Une manière simple de faire de la musique, même pour les amateurs ! Au final, même en y revenant, on peut toujours faire quelque chose de différent !”

L’ensemble est très satisfaisant, permettant de créer des prods musicales variées. Le côté (assumé) de shooter spatial rajoute une touche ludique non-négligeable.

The Toxic Avenger a créé tous les sons et il n’a fallu que 5 heures dans le créateur Dreams pour que SlurmMackenzie puisse lui rendre une première version quasiment parfaite. Ce dernier travaille dans l’informatique et préfère bien souvent faire des jeux d’exploration ou des plateformers, par exemple : “tout ce qui est artistique, j’y connais rien“.

Pas forcément fan de musique à la base, sa collaboration avec The Toxic Avenger l’a fait sortir de ses sentiers battus en s’essayant aux niveaux musicaux.